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Réflexions paysagères Joëlle Roubache
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Réflexions paysagères

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  • Photo du rédacteurJoëlle Roubache


avril 2021


Ah, la couleur ! Un des grands plaisirs du jardin, c’est de laisser voleter son regard des verts les plus intenses aux plus sourds ou aux plus acides, des discrètes floraisons blanches à la surprise d’un magenta ou d’un améthyste. Et en ce moment, la couleur qui captive mon regard, c’est le jaune. Je vois du jaune partout, le bocage est vert comme un citron ! Dans les sous-bois, je foule les parterres de ficaires et de jonquilles ; deci delà, les pissenlits et les primevères sauvages réveillent les talus ; encore rares, les jeunes chatons strient quelques saules de leurs hampes pâles. Dans les jardins, presque tous les voisins ont planté des forsythias qui éclaboussent de violents aplats les tonalités terreuses de l’hiver qui s’attarde. Pourtant, le jaune est en France la moins appréciée des couleurs. Mais en Avril, qui peut se passer de sa lumière, de sa gaieté, de son énergie ?


Dans mes jardins, je privilégie immanquablement une version ambrée, plus suave : celle des narcisses, du kerria japonica, ou d’un de mes rosiers favoris, le rosa banksiae lutea qui fleurit avant tous les autres.


couleur jaune naturelle des plantes
création paysagère tout en couleur

Mais pourquoi tant de floraisons précoces - ajoutons le mimosa, l’hamamelis, le mahonia - sont-elles jaunes ? Il semblerait que les insectes soient particulièrement attirés par le jaune, qui leur indique ordinairement le cœur de la fleur où se trouve le pollen. Avez-vous remarqué que, quelle que soit la couleur de la fleur, les étamines sont souvent jaunes ? Certains insectes aiment tellement le jaune que les agriculteurs bio testent actuellement des pièges chromatiques : des bandes autocollantes jaunes sur lesquelles s’agglutinent les indésirables. Dans les périodes froides de disette alimentaire, les insectes doivent aller droit au but, sans rater les rares réservoirs de nourriture. Et si les fleurs sont rares, autant qu’elles se repèrent de loin.


Utile aux insectes, revigorant après un hiver qui nous a tous engourdis, le jaune va-t-il me séduire pour les projets à venir ? Timidement, je le réserve aux rares clients qui le réclament. Mais cette année, un massif de genêts et un rosier jaunes ont fait leur apparition dans mon propre jardin. Envie de soleil !



jardin coloré jaune et blanc

  • Photo du rédacteurJoëlle Roubache

mars 2021

Peinture artistique, les oiseaux au jardin

Comme souvent, notre époque un peu matérialiste regarde la disparition des oiseaux sous l’angle des chiffres. Il faut dire que dans les campagnes françaises, un tiers de la population (alouettes, perdrix, passereaux, hirondelles, ...) a disparu au cours des 15 dernières années – le constat est glaçant. Au-delà de l’alerte pour nos écosystèmes, j’adopte pour ma part un regard plus poétique.


Mon imaginaire convoque le souvenir d’une fresque admirée à Pompéi, ou de Saint François qui prêche aux oiseaux dans le silence de la basilique d’Assise. Une soie décorative aperçue à Tokyo. Et l’oiseau ne m’évoque pas seulement des images, graciles, à travers les siècles et les continents, mais aussi des poèmes, et encore : des aventures ! Tous ces savants qui partirent naviguer dans des conditions épouvantables aux XVIIIe et XIXe siècles pour rapporter en Europe ces échantillons du monde, des oiseaux en cage ou patiemment aquarellés pour être répertoriés, catalogués, et pour agrémenter les appartements et les jardins. On trouve encore des paons en liberté dans le parc Maria-Luisa de Séville ou à Bagatelle.



aménager son jardin pour les oiseaux

L’époque n’est plus à « encager le ciel », selon la merveilleuse expression qu’employait la Villa Medicis pour son récent colloque. Si au jardin, nous ne voulons plus d’oiseaux en volière, nous savons en revanche nous émerveiller de peu en cette période de disette. Nul besoin de ramures enflammées ou d’aigrettes incongrues pour nous enchanter : le passage furtif d’un rossignol suffit à notre bonheur. Dès lors, je réfléchis à l’emploi des oiseaux dans le jardin. Pas sous l’angle utilitaire – dévorer des chenilles nuisibles, transporter les pépins des fruits, etc. car je ne suis pas écologue -, mais bien pour le plaisir qu’ils procurent. Autant dire que pour moi, nichoirs et mangeoires n’ont rien d’ornemental, et de toute façon, je ne m’imagine pas interférer ainsi dans leur mode de vie. Je préfère l’idée de leur créer un habitat attrayant ... et observer.

On y trouverait d’abord de la nourriture. Des vers de terre, des limaces, des fourmis, des araignées, des chenilles : car si les papillons étaient de la partie, ce serait un émerveillement de plus. Sans être entomologue, j’imagine bien qu’un sol jamais travaillé ni foulé leur serait bénéfique, et que quelques buddleias (‘l’arbre à papillons’), centaurées et valérianes qui poussent si facilement dans nos régions pourraient aider. Les carottes sauvages et les orties, qu’affectionnent tant les papillons, viendront bien toutes seules. Les feuilles mortes, les tiges creuses et les vieilles souches devraient fournir aux insectes des abris utiles.

Saviez-vous que certains oiseaux passent des petits animaux aux graines selon la saison ou l’âge ? Il faudrait aussi des fruits pour vaincre le froid, et des arbres pour nicher au printemps. Qu’à cela ne tienne, les fruits d’hiver apportent une touche de couleur dans la grisaille, j’en intègre souvent dans mes palettes végétales : surtout l’aubépine et le cornouiller, mais aussi le sureau, l’amélanchier, le lierre arbustif, le sorbier, ...



Arbre à oiseaux
Arbre fleuri à papillon

Sous la voûte du ciel glacé

le jaune d'une perruche

vibrant


Cela donnerait un coin laissé en friche, un peu moins joli, un rien boudeur, au fond du jardin. De ce fait, un chemin de promenade y conduirait. Avec un peu de surprise : « Tiens, , pourquoi ce tas de plantes à moitié décaties ? » J’imagine une pause dubitative : « Un raté ? » Quelques papillons se poursuivent les uns les autres, comme des enfants joueraient à chat. Attentifs, les pieds ne reprennent pas encore la promenade. « Hmmm, on est bien au soleil ! » Une mésange charbonnière sautille sur un rameau d’arbuste. Juste le temps d’écouter quelques notes, mais pas celui d’extirper son iPhone pour fixer le moment. Une once de frustration, la sensation à la fois pénible et rassurante qu’on ne commande pas tout, et la marche reprend vers un autre coin du jardin. Ou vers une chaise longue pour, le nez tiré vers le ciel, essayer de repérer d’autres oiseaux là-haut.


La semaine dernière, le propriétaire que j’ai rencontré voulait un bout de friche dans son jardin. Je crois que je vais lui parler des oiseaux...



  • Photo du rédacteurJoëlle Roubache

février 2021


Février, encore au cœur de l’hiver. Les jours ont beau s’allonger, la grisaille nous lasse, le ciel nous embrume.

En région parisienne et en Normandie où j’exerce mon métier d’architecte paysagiste, j’entends si souvent : « on voudrait dîner dehors », « profiter du soleil », « planter des oliviers », « et surtout des parfums ». Et pourtant ... là où nous résidons, dans la saison que nous traversons, et parfois, entre les quatre murs qui enserrent nos jardins, il serait sage de savourer la lumière voilée, la fraîcheur qui appelle au plaid, l’obscurité hésitante.

Me voici donc partie pour un ' éloge de l’ombre ' (selon l’expression du Japonais Junichirô Tanizaki, 1933).

L’ombre feutrée de nos jardins, dont les recoins invitent à la quiétude, au repli, parfois à la mélancolie. L’ombre qui se niche à l’abri d’un mur, d’une haie, d’un relief : immobile, l’air s’y fait plus épais comme un souffle suspendu. Sa tiédeur absorbe mollement la variété des textures – feuillage ciselé, vernissé, pruineux, écailleux, gaufré, duveteux, plumeux – qui subissent à d’autres endroits du jardin l’outrage des éclaboussures de soleil.



les plantes du jardin de l'ombre


branches aux coins d'ombres du jardin


Tels d’obscurs géants, les feuillages disproportionnés des ‘plantes d’ombre’ – aralias, hostas, gunneras - convoquent le mystère des sous-bois, ou l’exotisme d’une plongée en forêt tropicale. Oubliés par le soleil, les végétaux concentrent leur chlorophylle en reflets profonds, et déploient leur ramure pour recueillir la moindre parcelle de lumière.


Dépourvu d'événement saillant, le filtre des verts sombres, uniforme, accentue la profondeur des espaces et absorbe le regard. Son mystère, qui suggère plus qu’il n’éclaire, fait place à l’imagination. La curiosité s'aiguise, le corps est happé.


Dans les zones les plus voilées, les plus humides du jardin, la mousse, les fougères, les lichens, les champignons s’emparent des failles. Ces formes primaires de la vie sur Terre composent un jardin des origines qui offre, lorsque que viendra le rude été, un refuge humide, presque maternel.



Et dans les zones où l'obscurité provient à peine de l'ombrage d’un mur ou d’un arbre, la lumière retenue révèle la subtilité des floraisons les plus pâles, qu’une lumière crue écraserait insolemment. Ainsi d’un blanc nacré, cireux, ou carné. La lumière tamisée drape aussi d’un voile d’élégance les couleurs les plus violentes, comme le vermillon.


D'ailleurs, les photos de jardin se prennent souvent dans la lumière apaisée de l’aube ou du crépuscule.

A présent que vient le soir, les nuances d’ombre se font plus saillantes : légère et vive sous le bouleau, opaque et immobile sous le tilleul. De véritables ténèbres, denses, se créent dans le lointain. Dans mes aménagements paysagers, la scénographie nocturne invite à la rêverie, plus qu’elle n’éclaire les plantes ou les décors qui y sont disposés. Surtout lors des soirées d’hiver, quand le jardin vibrant appelle le regard depuis la maison. Et même les lieux les plus fonctionnels : terrasse, escalier, allées, n’échappent pas à mon envie de poésie nocturne.



création d'un jardin de l'ombre

Car mon ombre est douce et vivante. Mon ombre n’est pas la nuit.




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